Un chiffre circule, rarement contesté : l’équivalent de plusieurs milliards de mots, aspirés chaque jour sur la toile, a servi à bâtir la mémoire de ChatGPT. Derrière cette démesure, une promesse : aucun détail personnel ne devrait s’y glisser. Mais entre les lignes, la réalité s’avère parfois plus trouble.
Chez OpenAI, le discours officiel est sans ambiguïté : pas de donnée personnelle identifiable dans le réservoir de textes qui a servi à entraîner ChatGPT. Pourtant, la masse d’informations collectées sur des sites, des forums, des bases de connaissances, voire des articles non filtrés, vient parfois bousculer cette règle. Il arrive que des fragments sensibles échappent au filet du tri automatisé.
Quant aux conversations récentes des utilisateurs, elles ne sont pas censées intégrer le cœur du modèle. Mais, sous certaines conditions et pour ajuster le service, elles peuvent être analysées, modifiées ou utilisées en vue d’améliorations futures. Là encore, la frontière n’est jamais parfaitement étanche.
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ChatGPT : comprendre les bases de son fonctionnement
Pour saisir ce qui distingue ChatGPT, il faut regarder sous le capot du célèbre modèle GPT, une architecture baptisée « transformeur génératif préentraîné ». Imaginé par OpenAI, ce système de traitement du langage s’est imposé comme une référence dans l’intelligence artificielle générative. Son objectif ? Générer du texte aussi naturellement que le ferait un interlocuteur humain averti.
Tout commence par le pré-entraînement : le modèle absorbe des montagnes de textes, glanés sur des espaces publics variés. Durant cette phase, il affine sa capacité à deviner le mot qui vient, sans intervention humaine. Arrive ensuite l’apprentissage supervisé : des annotateurs guident la machine, rectifient ses maladresses, peaufinent la précision des réponses. Ainsi, ChatGPT gagne en justesse, enrichit sa palette de formulations et apprend à éviter les pièges du contresens.
Le principe de fenêtre de contexte vient structurer le dialogue : ChatGPT ne garde en mémoire qu’un nombre limité de messages précédents pour fabriquer chaque réponse. Ce choix influence la continuité de la conversation et la pertinence des enchaînements. Sous le capot, les couches de réseaux neuronaux profonds lient chaque mot à son entourage immédiat, extraient des relations de sens et simulent, à leur manière, une forme de compréhension du propos.
Contrairement aux anciens réseaux de neurones récurrents, cette nouvelle génération mise sur la parallélisation et la rapidité de calcul. Les premières moutures de ChatGPT portaient déjà cette ambition, mais chaque version a repoussé les limites du volume textuel traité. Résultat : ChatGPT s’est installé en tête des outils d’intelligence artificielle générative pour la production et la reformulation de texte.
D’où viennent les données qui entraînent ChatGPT ?
Ce qui donne sa puissance à ChatGPT, c’est la variété et la quantité de données d’entraînement mobilisées dès le départ. OpenAI puise dans un immense jeu de données tissé de textes publics glanés un peu partout sur le web, complété par des extraits de livres, des articles, des encyclopédies, des discussions issues de forums. Ce brassage de sources permet au modèle de jongler avec des thèmes très différents, du jargon technique aux sujets les plus quotidiens.
La collecte va plus loin : des corpus spécialisés, soigneusement choisis pour leur qualité rédactionnelle ou leur richesse, viennent étoffer l’ensemble. L’idée est simple : doter ChatGPT d’une capacité à rédiger, reformuler, synthétiser ou contextualiser, peu importe le domaine abordé.
OpenAI affirme exclure les informations privées ou sensibles de ses bases, du moins officiellement. Pourtant, la question des droits d’auteur reste sur la table. Certains textes utilisés pourraient être protégés sans accord explicite, ce qui alimente le débat sur l’utilisation de contenus sous copyright pour former les modèles GPT.
Le volume de textes ingérés dépasse tout ce qui s’est fait jusqu’ici. Entraîner GPT mobilise une puissance de calcul colossale, avec un impact écologique loin d’être anodin, mesuré en tonnes de CO₂. Cette contrainte technique pèse autant sur la qualité que sur la diversité des réponses, et impose ses propres limites à l’outil.
La gestion des données personnelles : quelles garanties pour les utilisateurs ?
Lorsqu’un utilisateur s’adresse à ChatGPT, il mise sur une forme de confiance. Mais derrière l’écran, les mécanismes de confidentialité suscitent des doutes. OpenAI assure ne pas utiliser directement les données saisies pour entraîner le modèle, toutefois l’opacité du processus laisse planer le doute. Pour l’instant, la société communique peu sur la nature précise des informations collectées et leur usage réel.
Les garanties avancées mentionnent la suppression périodique des conversations et l’anonymisation des échanges. Mais la distinction entre anonymisation et possibilité de ré-identifier un utilisateur reste mince, surtout avec la puissance des outils modernes de traitement du langage naturel. Des risques de plagiat, de biais ou de désinformation sont régulièrement soulevés par les experts du secteur.
Voici quelques points concrets qui illustrent les marges d’incertitude persistantes :
- Les utilisateurs peuvent solliciter la suppression de leurs données selon le RGPD, mais la procédure manque de clarté et d’accessibilité.
- L’absence de vérification par des tiers indépendants renforce l’incertitude autour du respect des droits fondamentaux par OpenAI.
En France, la CNIL s’est emparée du sujet, interrogeant la conformité de ChatGPT au droit européen. L’équilibre reste précaire entre volonté d’innover et exigence de préservation de la vie privée. Les modèles de traitement automatique du langage reposent sur des masses de textes, parfois au détriment de la protection individuelle. Dans les entreprises ou les administrations, l’adoption généralisée de ces outils pose encore la question d’une réelle protection des utilisateurs.
Ce que l’avenir réserve à la formation et à l’utilisation des données dans l’IA
L’intelligence artificielle générative s’accélère, portée par des acteurs comme OpenAI, Microsoft ou Google. L’entraînement de modèles tels que GPT ou ChatGPT s’appuie sur une collecte de textes toujours plus volumineuse, puisée sur le web, dans des corpus spécialisés, et désormais parfois dans les interactions avec les utilisateurs eux-mêmes. Le défi consiste à affiner la compréhension et la production du langage, tout en respectant la confidentialité et les droits d’auteur.
Les prochaines étapes laissent entrevoir des modèles hybrides. D’un côté, la collecte tend à s’étendre à des formats nouveaux : textes en temps réel, images générées par DALL-E, et demain, peut-être, d’autres types de données. De l’autre, les exigences réglementaires se renforcent, avec la volonté de limiter les usages non autorisés et de garantir la transparence des systèmes. Les partenariats entre géants du cloud, comme Azure et OpenAI, dessinent un nouveau paysage, et posent la question de la souveraineté numérique.
Vers une nouvelle gouvernance des données
Plusieurs tendances majeures se dessinent pour la suite :
- Apparition de modèles taillés pour des secteurs spécifiques, capables de répondre à des besoins très ciblés.
- Mise en place d’outils de contrôle et de suivi, pour détecter les biais et freiner la diffusion de fausses informations.
- Dialogue accru entre institutions, chercheurs et industriels, afin de définir un cadre clair d’utilisation de l’IA.
La version gratuite de ChatGPT a déjà bouleversé la diffusion des technologies d’IA. Pourtant, l’adoption massive dépendra d’une condition simple : prouver que la donnée peut être protégée sans sacrifier la créativité ni la performance. Le futur de l’IA ne se jouera pas seulement sur la puissance des serveurs, mais sur la capacité à inspirer confiance. Qui, demain, osera confier ses mots à la machine les yeux fermés ?




























































